Pierre Buhler est le président de l’Institut Français et ambassadeur chargé de l’action extérieure de la France. Nous l’avons rencontré au marge de la conférence qu’il animé samedi 9 novembre à l’Institut français d’Alger pour un entretien express que nous livrons à nos aimables lecteurs.
L’Algérie est le premier pays avec lequel la France coopère grandement dans le domaine de la culture, dans son sens le plus large. Qu’est ce qui a fait, que l’Algérie ait cette place privilégiée ?
Il existe un passé commun entre la France et l’Algérie. Beaucoup d’Algériens vivent en France et beaucoup véhiculent la langue française. Il existe une histoire commune entre les deux pays et qui n’a pas été toujours facile.
Globalement, nous considérons que la coopération culturelle est un facteur important dans la relation que nous avons avec un pays donné.
Avec la société algérienne, au niveau politique, la coopération se fait avec les autorités. Sur le plan culturel, et pour l’ensemble des pays, du reste, nous parlons de la France d’aujourd’hui, de ses créations, de ses grands débats, de ses écrivains, de ses artistes et intellectuels.
Il s’agit, en fait, de bâtir une relation avec les autres pays à travers l’implication de la société civile. La culture est un outil de dialogue et d’échange. Et Je pense qu’il y a beaucoup à faire avec l’Algérie dans ce sens.
J’étais au Salon International du livre, j’ai vu exposés beaucoup de livres d’auteurs français qui écrivent en langue française, d’autres traduits en langue arabe et d’autres livres d’auteurs algériens écrits en langue française.
Il y a eu, également, plusieurs intervenants français, venus à cette même occasion et qui y ont collaboré à travers des conférences. C’est une façon d’organiser des échanges entre les deux cultures ; d’assister, par exemple, les cinéastes algériens à la production de films, se confronter entre eux et éprouver leur art.
Dans ce sens, nous avons des programmes dans lesquels les artistes algériens peuvent apporter ou comparer leur création artistique avec leurs homologues en France.
Je reste persuadé que c’est de cette façon que la culture se partage, car elle reste un bien public universel. Elle n’appartient pas à un pays quelconque. La culture française vient de France, mais elle n’est pas seulement de France, du moment qu’elle est aussi produite par des intellectuels et écrivains étrangers qui écrivent en français. C’est ce que nous appelons la francophonie. De l’expression en français qui passe très largement dans la frontière de l’hexagone ! Il existe des écrivains qui écrivent magnifiquement en français venus d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, de la République démocratique du Congo et de l’Afrique Sub-saharienne, qui manient notre langue et écrivent des pièces de théâtre.
Existe- t-il une interconnexion entre les instituts français partout dans le monde, s’agissant de promouvoir l’écrit d’expression francophone ?
Tous les auteurs en langue française, qu’ils soient différents de par leur nationalité, trouvent des opportunités de promotion par la France, de façon à les aider à travers tous nos réseaux de par le monde.
Quand j’étais ambassadeur en Pologne, je recevais des écrivains qui écrivent en français mais qui n’étaient pas de nationalité française et qui venaient s’exprimer et parler de leurs ouvrages. Nous ne faisons aucune différence par rapport à leur nationalité. Cela n’appartient plus à la France, c’est une langue partagée par beaucoup de personnes et d’écrivains créateurs. Nous devons l’approprier pour un bien commun.
Avez- vous constaté quelque recul de la langue française, notamment dans son espace traditionnel, qui cèderait au profit d’autres langues, l’anglais plus précisément ?
L’anglais est très massivement présent partout dans le monde. Nous n’avons pas pour but nous mesurer à l’anglais. Notre objectif est de montrer que la langue française est vivante, qui prospère et qui est partagée par une population de plus en plus importante dans le monde, par des pays francophones ou par des individus dans des pays non-francophones, lesquels apprécient la langue française parce qu’elle véhicule des messages et des cultures.
Nous constatons, évidement, qu’il y a, de temps à autre, des reculs sur certains terrains. Mais, nous avons également de nouveaux espaces qui s’ouvrent pour la langue française à travers une expression française. C’est comme ça que nous voulons projeter notre culture et notre langue, comme quelque chose créé par d’autres personnes et qui n’est pas spécialement un produit de l’hexagone.
Dans d’autres pays qui ne sont pas francophones, des auteurs ont choisi la langue française par ce que cela leur permet de mieux s’exprimer ; exemple de l’écrivain russe, Andreï Makine qui est aujourd’hui à l’académie française. C’est un fait remarquable. Ces écrivains méritent de l’intérêt, d’être diffusés dans notre réseau et les aider à être connus.
Par Hacène Nait Amara