Le projet de loi relatif à la révision de la Constitution, un des principaux engagements politiques du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, visant à instaurer un Etat moderne à travers une « réforme globale » de ses institutions, a été adopté jeudi à l’unanimité des membres de l’Assemblée populaire nationale (APN).
Le texte de loi doit être également adopté par le Conseil de la Nation (chambre haute du Parlement), avant sa soumission à référendum populaire le 1er novembre prochain, date hautement symbolique marquant le déclenchement de la Guerre de Libération nationale.
La révision de la Constitution permettra de « concrétiser les engagements décidés pour l’édification de la nouvelle République à la faveur d’une réforme globale de l’Etat et de ses institutions », a affirmé le Premier ministre lors de la présentation mardi du projet de loi devant la commission des affaires juridiques de l’APN.
Son objectif est « l’instauration d’un Etat moderne s’employant à servir le citoyen et à rétablir sa confiance, un Etat où la vie politique est régie par les principes de transparence, de régularité, de reddition de comptes et de compétence et qui sépare l’argent de la politique et lutte contre la corruption », a résumé le Premier ministre.
Djerad a ajouté que la nouvelle mouture de la Loi fondamentale vise à mettre l’Algérie « à l’abri des dépassements autocratiques et hégémoniques qu’elle a connus par le passé ».
Adopté le 6 septembre en Conseil des ministres présidé par le président Abdelmadjid Tebboune, le projet de révision de la Constitution a été élaboré à la lumière des éléments sélectionnés par le comité d’experts chargés de la révision constitutionnelle, parmi les propositions reçues de la part des différentes franges de la société, de personnalités nationales et de forces politiques, et dont le nombre s’élève à 5.018.
Le projet « s’inscrit en droite ligne des exigences de l’édification de l’Etat moderne et répond aux revendications du Hirak populaire authentique béni », a déclaré le président Tebboune lors du Conseil des ministres, affirmant avoir veillé à ce que la Constitution, dans sa nouvelle mouture, soit « le plus largement consensuelle », en dépit des entraves imposées par la crise sanitaire.
Mettant en exergue la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés, née du phénomène de la corruption, il a soutenu que le règlement de cette crise est une « condition sine qua non » à l’édification de l’Algérie nouvelle où ceux qui enfreignent la loi ne seront protégés « ni par leur immunité, ni par leur influence ».
Le texte adopté jeudi par les membres de l’Assemblée populaire nationale comprend une série de propositions réparties sur six axes.
Il s’agit des « droits fondamentaux et libertés publiques », du « renforcement de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs », de « l’indépendance de la justice », de « la Cour constitutionnelle », de la « transparence, prévention et lutte contre la corruption » et de « l’Autorité nationale indépendante des élections ».
En matière de droits fondamentaux et liberté publiques, le texte introduit une disposition portant obligation aux institutions et pouvoirs publics de respecter les dispositions constitutionnelles en relation avec les droits fondamentaux et les libertés publiques et interdit de limiter ces droits et libertés qu’en vertu d’une loi et pour des raisons liées à la protection de l’ordre public et la protection d’autres droits et libertés consacrés par la Constitution.
Il consacre constitutionnellement la liberté de la presse sous toutes ses formes et interdit le contrôle préalable sur cette liberté. Le texte dispose aussi que la loi ne doit pas comporter des dispositions de nature à entraver la liberté de création des partis politiques.
Nomination d’un chef de gouvernement en cas de majorité parlementaire
Dans le domaine de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le texte de loi prévoit, entre autres, la limitation du mandat présidentiel à deux mandats successifs ou séparés et la consolidation de l’institution du chef de gouvernement.
Dans le chapitre consacré au gouvernement, figure un nouvel article (103), disposant que « le gouvernement est dirigé par un Premier ministre lorsqu’il résulte des élections législatives une majorité présidentielle » et par « un chef du gouvernement lorsqu’il résulte des élections législatives une majorité parlementaire ».
Le document prévoit, en outre, la limitation du mandat parlementaire à deux mandats, la suppression du droit de légiférer par ordonnances durant les vacances parlementaires et l’obligation faite au gouvernement de faire accompagner les projets de lois par des textes réglementaires d’application, faute de quoi les projets de lois ne seront pas inscrits à l’ordre du jour du Parlement.
Plusieurs lois adoptées dans le passé par le Parlement n’ont jamais été appliquées en raison de l’absence de textes d’application.
A propos de l’indépendance de la justice, le texte stipule son renforcement à travers la constitutionnalisation du principe de l’inamovibilité du juge du siège. Dans le même ordre d’idées, le ministre de la Justice et le procureur général près la Cour suprême ne font plus partie du Conseil supérieur de la magistrature, au sein duquel il est prévu que siègent deux représentants syndicaux des magistrats et le président du Conseil national des droits de l’Homme.
Le texte prévoit, en outre, d’instituer une Cour constitutionnelle en lieu et place du Conseil constitutionnel.
Il propose, également, la constitutionnalisation de l’Autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption et de l’Autorité nationale indépendante des élections.
Le document consacre le Conseil national économique, social et environnemental (art. 209) en tant que « cadre de dialogue, de concertation, de proposition, de prospective et d’analyse dans le domaine économique, social et environnemental, placé sous l’autorité du président de la République ».
Il institue un Observatoire national de la société civile (art. 213), un organe consultatif placé auprès du président de la République qui « émet des avis et recommandations relatifs aux préoccupations de la société civile » et une Académie algérienne des sciences et des technologies, un « organe indépendant à caractère scientifique et technologique ».
Le texte de loi comprend, par ailleurs, des propositions hors axes, notamment la constitutionnalisation du mouvement populaire du 22 février 2019 dans le préambule de la Constitution, la prohibition du discours haineux et de discrimination, l’insertion de Tamazight comme disposition qui ne peut faire l’objet de révision, la constitutionnalisation de la participation de l’Algérie à des opérations de maintien de la paix sous les auspices des Nations unies et de la participation de l’Algérie à la restauration de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux.
R. N.