La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se penchera, mardi, sur le recours en annulation de l’accord portant extension des Accords d’association et de libre-échange UE/Maroc au territoire du Sahara occidental, introduit par le Front Polisario, le 27 avril 2019.
La Cour de justice de l’UE a décidé de convoquer pour le mardi, 2 mars, une séance pour examiner le recours n (T-279/19) formulé par le Front Polisario contre la décision du Conseil de l’UE, en avril 2019, d’inclure, dans l’accord de libre-échange avec le Maroc, les territoires occupés du Sahara occidental, en violation flagrante et en contradiction avec le droit international et européen. Deux audiences sont prévues mardi et mercredi devant la 9e chambre de la CJUE qui, « devrait rendre son délibéré dans plusieurs mois », a indiqué un porte-parole de l’institution établie au Luxembourg.
Le Front Polisario, seul représentant légitime du peuple du Sahara occidental, avait introduit un recours en annulation de l’accord de libre-échange et l’accord de pêche signé le 28 janvier 2019 en ignorant les décisions de la CJUE, notamment de 2016 et 2018, et en violation du droit international. Dans trois arrêts différents, la CJUE avait clairement souligné que le Maroc et le Sahara occidental sont deux territoires distincts et tout accord des pays de l’UE concernant le Sahara occidental devra être conclu avec le Front Polisario.
Le 21 décembre 2016, la CJUE a jugé que le Maroc et le Sahara occidental étaient deux territoires distincts et séparés, et qu’il ne pouvait y avoir d’activité économique sur le territoire qu’avec le consentement du peuple du Sahara occidental. Ces principes ont été confirmés par deux arrêts de 2018, pour la pêche et pour l’espace aérien. Depuis, le Parlement européen a contourné cet avis en adoptant en janvier 2019 un texte étendant au territoire occupé les tarifs douaniers préférentiels octroyés par un accord signé en 2013 entre l’UE et le Maroc.
Stopper le pillage des ressources sahraouies
Le recours du Front Polisario, a pour objectif de stopper le « pillage des ressources naturelles » du territoire occupé, « principalement l’agriculture d’exportation, le phosphate, la pêche et le tourisme », comme l’a expliqué à l’avocat du Front Polisario Gilles Devers. Selon lui, les « facilités d’accès au marché européen » contribuent au « maintien de la colonisation » marocaine.
Le but, à terme, pour le Front Polisario est aussi de faire partir les entreprises européennes installées illégalement au Sahara occidental. Giles Devers compte bien « faire triompher le droit international » dans les accords liant l’UE et le Maroc. « Nous restons sur les mêmes bases juridiques, à savoir l’absence de souveraineté du Maroc, le droit à l’autodétermination, la représentativité du Front Polisario en sa qualité de mouvement de libération nationale », dit-il.
L’enjeu financier n’est pas négligeable: en 2019, le Maroc a exporté vers l’UE pour près de 435 millions d’euros de produits issus du Sahara occidental occupé, essentiellement du poisson, selon un document publié en décembre 2020 par la Commission européenne, qui ne donne aucun chiffre concernant le phosphate, une autre ressource des territoires occupés exploitée illégalement. A ce titre, le représentant du Front Polisario en Europe et auprès de l’UE, Oubi Bouchraya Bachir a qualifié les audiences de mardi et mercredi de « pas important » dans le processus de traitement des recours introduits par le Front Polisario.
Le diplomate sahraoui a expliqué que l’audience de mardi, sera consacrée à la production des moyens de défense orale par les deux parties en litige, en l’occurrence le Front Polisario et le Conseil de l’UE, soutenu par la France et un syndicat agricole marocain. En outre, il a indiqué que l’étape à venir sera l’énoncé du verdict, attendu pour fin juin ou début juillet prochains. Le diplomate sahraoui s’est dit optimiste quant à l’arrêt attendu. Outre le droit inaliénable du peuple sahraoui consacré par la Droit internationale et africain, pour lui, « tous les signaux sont bons pour croire que la Justice européenne rétablira, encore une fois, le peuple sahraoui dans son droit ».
Pour M. Oubi Bouchraya il existe deux points « importants » qui laissent les Sahraouis optimistes quant à la décision attendue de la CJUE. Il s’agit, en premier lieu, des arrêts rendus par la CJUE en 2016 et 2018, « qui constituent une base à suivre par les magistrats » et, en second lieu, du fait que la Cour ait reconnu le Front Polisario partie tierce, non consultée, dans l’ancien Accord de libre échange et d’exonération douanière entre le Maroc et l’UE, a-t-il expliqué.