L’Association « El Gheith El Kadem » d’aide aux malades dans la wilaya d’Adrar alerte sur une recrudescence « inquiétante », ces dernières années, des cas de cancer de tous les types, de malformations congénitales et de stérilité dus à la radioactivités induite par les explosions menées par la France coloniale dans la région de Reggan, le 13 février 1960.
Dans une déclaration à l’APS à la veille du 61ème anniversaire des essais nucléaires français dans cette région, le président de l’Association, Toumi Abderrahmane, a tiré la sonnette d’alarme sur « les effets persistants des radiations induites par les explosions nucléaires à Reggan.
Les conséquences désastreuses de ces explosions menées en surface, pour la plus part, sont constatés, encore aujourd’hui, sur les différentes composantes écologiques et l’environnement de la région », a-t-il confirmé. De son côté, le chercheur en histoire de la région, Dr. Lamharzi Abderahmane, affirme que les crimes nucléaires « abominables » perpétrés par la France à Reggan et dans le Sahara algérien, en général, resteront « à jamais des crimes imprescriptibles » au regard des répercussions sur la population, la faune et la flore. « D’une puissance de 20 à 70 kilotonnes, ces opérations baptisées successivement Gerboise bleue, verte, blanche et rouge, ont été menées dans le mépris total de l’intégrité écologique », a-t-il précisant rappelant que la France avait fait croire à l’opinion publique internationale qu’aucune vie humaine n’existait dans la région de Reggan.
Soulignant le caractère « infondé » de ces allégations, Dr. Lamharzi évoque des témoignages vivants de nombreux autochtones et même d’étrangers ayant travaillé sur les chantiers de réalisation du site nucléaire. Pour cet académicien, la « déclassification » de ce dossier est impérative pour rétablir les vérités historiques sur ce crime abject.
Par ailleurs, la population de la région de Reggane appelle les autorités suprêmes du pays à prendre des mesures pratiques au profit de « ceux qui continuent à souffrir atrocement des effets et répercussions désastreux des explosions nucléaires françaises dans la région sur le plan sanitaire et environnemental ».
Des Appels au secours pour bénéficier de soins et de la décontamination des lieuxPère d’enfants souffrant de malformations congénitales et de problèmes de santé complexes, M. Khaldi Mohamed (55 ans), originaire de Reggane, a appelé à l’ouverture de cliniques spécialisées dans les diverses pathologies en recrudescence parmi la population de la région et de structures spécialisées pour les enfants à besoins spécifiques. Un autre citoyen, (Djoudi, 44 ans) plaide, lui, pour l’assainissement de l’environnement des déchets nucléaires et la création d’un musée de la mémoire nationale à Reggane, dédié à cette douloureuse tragédie.
Soulignant l’importance d’un tel édifice pour « jeter toute la lumière sur crime colonial, à travers les recherches historiques et scientifiques », il soutient qu’il s’agit là, « d’une revendication des acteurs et élites de la société ».
S’agissant de prolifération des cancers, plusieurs acteurs de la société civile de la wilaya d’Adrar ont appelé à « la cristallisation de l’efficacité visée à travers la plateforme numérique relative à la lutte contre le cancer, lancée par le ministère de la Santé, pour une meilleure prise en charge des malades au Sud, notamment dans la wilaya d’Adrar, « où le lien entre la hausse des cas et la radioactivité n’est plus à faire ».
Plusieurs associations locales, dont « El Gheith El Kadem » ont appelé à doter les structures sanitaires en équipements spécialisés. Le centre anti-cancer (CAC) d’Adrar manque d’un service de biopsie, d’une Imagerie à résonnance magnétique (IRM), d’un service de chirurgie générale et d’un service d’hématologie pour éviter aux malades les déplacements jusqu’à la wilaya de Batna, affirment ces associations.
L’accent a été mis, également, sur « l’urgence » d’accorder un intérêt à l’oncologie pédiatrique, spécialité inexistante au Sud et à l’intégration de ces enfants malades dans la plateforme du ministère de la Santé. Un appel a été lancé, aussi pour la spécialité de radiologie.
Pour sa part, le coordonnateur de Registre cancer à la Direction de la santé, de la population et de la reforme hospitalière, Dr. Mabrouki M’Hamed, a confirmé la hausse du taux de prévalence du cancer homme/femme au cours de l’année écoulée. Parmi les cancers à forte prévalence chez les hommes, il y a lieu de citer le cancer des poumons, de la prostate, du pancréas, du colon, de l’estomac, de la vessie, de la thyroïde, et le cancer du système nerveux central. Concernant les femmes, il s’agit du cancer du sein, cancer colorectal, des ovaires, des voies biliaires, de l’utérus et des voies respiratoires.
R. N.