La Commission européenne a exclu une éventuelle extension de l’accord de pêche entre le Maroc et l’Union européenne (UE), étendu illégalement au Sahara occidental occupé -et qui expire en juillet 2023- avant une décision de la Cour de justice de l’UE dont le verdict est attendu en fin d’année, selon une lettre du ministre néerlandais de l’Agriculture relayée par l’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW).
Dans cette missive datant du 28 mars 2023 et traitant de la question avec le Parlement néerlandais, le ministre se réfère à des informations de la Commission européenne qui a conclu qu’elle n’entamerait pas de négociations avec le Maroc pour une prolongation de l’accord de pêche.
En septembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne avait statué en faveur du Front Polisario soutenant que l’accord de pêche avec le Maroc avait été conclu sans le consentement du peuple du Sahara occidental. Le Conseil de l’UE avait introduit un recours en appel le 16 décembre 2021.
« La Commission a indiqué que l’extension du protocole n’est pas une option avant que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’ait statué (dans l’affaire en appel), car la Cour a annulé la décision du Conseil approuvant le protocole de pêche. Une interruption temporaire des possibilités de pêche au Sahara occidental semble donc inévitable, selon la Commission », a écrit le ministre néerlandais.
Les informations de la Commission européenne proviennent d’une réunion du Conseil Pêche de l’UE du 20 mars, pendant laquelle les ministres de la pêche des 27 Etats membres de l’UE devaient analyser la situation, souligne WSRW.
Dans un entretien accordé à l’APS, l’avocat du Front Polisario, Gilles Devers, a constaté « un recul » de la Commission européenne par rapport à cette question.
« Si les effets de l’accord de pêche, annulé en 2021, ont été maintenus par le Tribunal (de l’UE) le temps du pourvoi devant la CJUE, le premier protocole à cet accord arrive à échéance en juillet prochain », a-t-il d’abord constaté.
Or, poursuit l’avocat, « alors que plusieurs Etats européens, dont le Royaume d’Espagne, ont demandé la conclusion d’un nouveau protocole, la Commission européenne a annoncé que des négociations avec le Royaume du Maroc étaient impossibles car l’arrêt du Tribunal (de l’UE) maintient l’existant dans l’attente de la décision de la Cour mais ne permet pas la conclusion de nouveaux accords ».
Selon M. Devers, « pour la première fois depuis 2016, la Commission européenne accepte donc de se plier aux décisions de justice, avec un effet immédiatement visible ».
En effet, il a fait savoir qu’en juillet prochain, « les navires de l’UE quitteront les eaux sahraouies et l’occupant marocain sera privé des fonds européens qui lui ont permis de coloniser le territoire, préfigurant ce qui pourrait advenir si la CJUE confirme les arrêts du Tribunal de l’Union européenne ».
Ainsi, l' »inévitable interruption temporaire des possibilités de pêche au Sahara occidental découle naturellement du fait que la Cour de justice de l’UE évalue actuellement la licéité de la pratique », relève WSRW.
L’arrêt de la pratique de la pêche est jusqu’à présent conforme aux décisions de la Cour de l’UE, ajoute la même source, notant qu’il s’agit de la première fois que la Commission européenne aligne ses pratiques sur la jurisprudence de l’UE relative au Sahara occidental.
En mars dernier, le Commissaire européen aux Océans et à la Pêche, Virginijus Sinkevicius, a invité les pays de l’UE à examiner les moyens menant vers de nouvelles possibilités de pêche au sein de l’accord
UE/Mauritanie, vu qu’il pourrait être « impossible d’éviter une interruption » des activités de pêche des navires de l’UE dans les eaux du Sahara occidental occupé.
Pour rappel, l’accord de pêche Maroc/UE, dont le protocole actuel expire le 17 juillet prochain, est entré en vigueur le 18 juillet 2019. Il permet à 128 navires de l’UE de pêcher illégalement dans les eaux du Sahara occidental occupé.
B. T.