Près de 2.000 personnes ont été tuées lundi dans le sud-est de la Turquie et en Syrie voisine par un puissant séisme de magnitude 7.8, suivi quelques heures plus tard par une très forte réplique de magnitude de 7.5, des secousses enregistrées jusqu’au Groenland.
Ce bilan, très provisoire, ne cesse de s’alourdir, un très grand nombre de personnes restant piégées sous les bâtiments effondrés qui se comptent par milliers. La pluie et la neige, tombée à certains endroits en abondance, et la baisse attendue des températures vont rendre encore plus difficile la situation des personnes se retrouvant sans abri, ainsi que le travail des secours.
La première secousse est survenue à 4H17 locales (1H17 GMT), dans le district de Pazarcik, dans la province de Kahramanmaras (sud-est), à 60 km environ à vol d’oiseau de la frontière syrienne.
Des dizaines de répliques ont suivi, avant un nouveau séisme de magnitude 7.5, à 10H24 GMT, toujours dans le sud-est de la Turquie, à 4 km au sud-est de la ville d’Ekinozu.
Après le second séisme, Tulin, jeune femme d’une trentaine d’année vivant à Kayapinar dans le district de Diyarbakir, raconte sa « peur » de rentrer chez elle.
« Je l’ai vivement ressenti parce que je vis au dernier étage. Nous sommes sortis en panique. C’était presque le même que ce matin. J’ai tellement peur maintenant, je ne peux plus rentrer dans mon appartement, je ne sais pas ce qui va se passer maintenant », raconte-t-elle à l’AFP.
Et les bilans ne cessent de grimper: en Syrie, le tremblement de terre a fait 783 morts et 2.280 blessés, selon le ministère syrien de la Santé et des secouristes en zones rebelles.
En Turquie, le bilan, toujours provisoire, est passé à 1.121 morts et plus de 7.630 blessés, selon l’agence gouvernementale de gestion des catastrophes (Afad), qui fait état de 2.834 immeubles effondrés.
« Apocalypse »
« Ma soeur et ses trois enfants sont sous les décombres. Aussi son mari, son beau-père et sa belle-mère. Sept membres de notre famille sont sous les débris », a raconté dans la matinée à l’AFP Muhittin Orakci qui attendait les opérations de secours devant un immeuble effondré à Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est de la Turquie.
Le bilan risque encore d’évoluer dans les villes touchées, Adana, Gaziantep, Sanliurfa, Diyarbakir notamment. A Iskenderun et Adiyaman, ce sont les hôpitaux publics qui ont cédé sous l’effet du séisme, survenu à une profondeur d’environ 17,9 kilomètres.
Ce séisme est le plus important en Turquie depuis le tremblement de terre du 17 août 1999, qui avait causé la mort de 17.000 personnes, dont un millier à Istanbul.
A Kahramanmaras, Melisa Salman, journaliste locale de 23 ans, raconte avoir toujours vécu avec les tremblements de terre. « J’ai l’habitude des secousses, mais c’est la première fois que je vis quelque chose comme ça. On a pensé que c’était l’apocalypse ».
Les intempéries qui frappent cette région montagneuse paralysent les principaux aéroports autour de Diyarbakir et Malatya, où il continue de neiger très fortement, laissant les rescapés hagards, en pyjama dehors dans le froid.
« Nous entendons des voix ici et là-bas. Nous pensons que peut-être 200 personnes se trouvent sous les décombres », a déclaré un secouriste dépêché devant un immeuble détruit de Diyarbakir, selon des images diffusées sur la chaîne NTV.
Face à cette désolation, partout les habitants se mobilisent et tentent de dégager les ruines à mains nues, utilisant des seaux pour évacuer les débris.
En Syrie, le séisme a provoqué des scènes de panique, les habitants se sont ruant dehors, à pied ou en voiture, malgré les pluies torrentielles.
A Hama (centre-ouest), les secouristes et civils extraient à la main, aidés d’engins lourds, les corps des victimes sous les décombres, dont celui un enfant, a constaté l’AFP.
« Nous avons reçu des rapports sur l’effondrement d’un bâtiment de sept étages, où vivaient entre 100 et 150 personnes. Nous avons retrouvé 40 à 45 personnes. Il y a des rapports faisant état de 15 à 25 morts », a précisé le coordinateur de la gestion des catastrophes pour le Croissant-Rouge arabe syrien à Hama, Alaa al-Chaker.
A Jindayris (nord-ouest), un homme, effondré, pleure la mort de son fils, un tout petit garçon emmitouflé dans un anorak, qu’il sert dans ses bras.
Biden, Xi, Poutine …
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont la réaction à ce drame sera très probablement suivie à la loupe avant l’élection du 14 mai qui s’annonce très serrée, a appelé à l’union nationale.
« Nous espérons que nous sortirons de cette catastrophe ensemble le plus rapidement possible et avec le moins de dégâts possible », a-t-il tweeté, précisant par ailleurs que la Turquie avait reçu l’aide de 45 pays.
Du monde entier affluaient les condoléances, du président américain Joe Biden à ses homologues russe Vladimir Poutine au encore chinois Xi Jinping, en passant par le pape François qui s’est dit « profondément attristé », ainsi que les propositions d’aide humanitaire et médicale.
La Grèce a notamment promis « de mettre à disposition (…) toutes ses forces pour venir en aide à la Turquie voisine », avec laquelle elle entretient des relations orageuses.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a lui annoncé avoir approuvé une demande d’aide à la Syrie, avec laquelle l’Etat hébreu n’entretient pas de relation diplomatique.
L’Union européenne a activé son « mécanisme de protection civile » et « des équipes des Pays-Bas et de Roumanie sont déjà en route », l’Azerbaïdjan, pays frère de la Turquie, a annoncé l’envoi immédiat de 370 secouristes, et l’Inde celui d’équipes de secours et médicales et de matériel de secours
Citadelle d’Alep
En Syrie, selon un bilan provisoire du ministère de la Santé, cité par l’agence officielle Sana, 403 personnes ont été tuées et 1.284 autres blessées dans les provinces d’Alep, Lattaquié, Hama et Tartous, sous contrôle du régime. Dans les zones rebelles, les secouristes des Casques Blancs ont fait état de 380 morts et plus d’un millier de blessés.
La citadelle d’Alep et plusieurs autres sites archéologiques ont été endommagés, selon la Direction générale des antiquités et des musées
En Turquie, les dégâts les plus importants ont été enregistrés près de l’épicentre du séisme de la nuit, entre Kahramanmaras et Gaziantep, où des pâtés de maison entiers étaient en ruine, sous la neige.
Les gazoducs alimentant la région ont aussi été touchés et les provinces de Hatay, Kahramanmaras et Gaziantep sont privés de gaz a affirmé l’organisme public Botas.
Le Kurdistan d’Irak a annoncé avoir suspendu « par sécurité » ses exportations de pétrole vis la Turquie.
Les secousses, ressenties dans tout le sud-est du pays, l’ont également été au Liban et à Chypre, selon des correspondants de l’AFP, ainsi qu’au Kurdistan irakien dans le nord du pays à Erbil et Douk, mais aucune victime n’a été signalée.
Selon l’institut géologique danois, les secousses ont été ressenties jusqu’au Groenland.
La Turquie est située sur l’une des zones sismiques les plus actives du monde.
Fin novembre, un tremblement de terre de magnitude 6,1 a frappé le nord-ouest de la Turquie, faisant une cinquantaine de blessés et des dégâts limités, selon les services de secours turcs.